des préconisations finalement en faveur des auteurs
Dans ses préconisations pour la future réforme universelle des retraites, le Haut-Commissaire, Jean-Paul Delevoye, recommande explicitement que l’État prenne à sa charge l’équivalent de la part patronale des artistes-auteurs. En savoir plus.
C’était ce que demandait la campagne Extinction Culturelle. Ce site reste donc uniquement ouvert à titre d’archive de cette action.
Retraite universelle : catastrophe pour les auteurs
Le gouvernement prépare une très importante réforme des retraites qui aura des conséquences absolument désastreuses pour les auteurs s’ils n’obtiennent pas des aménagements spécifiques. Une fois encore il se révèle indispensable de mettre en place un vrai statut de l’auteur en France.
Le gouvernement vise à remplacer à l’horizon 2025 les 42 régimes de retraite actuels par un système universel dans lequel chaque euro cotisé donnera des droits à la retraite identiques, et ce quel que soit le statut du cotisant, qu’il soit salarié, indépendant, fonctionnaire…
2025, c’est loin, mais tout ceci se décide en ce moment même. Le Haut-commissaire à la réforme des retraites, Jean-Paul Delevoye, a annoncé qu’il pourrait remettre ses préconisations début mai, dans l’idée de lancer un débat parlementaire sur la retraite universelle cet été.
La situation actuelle
Pour rappel, dans le cas d’un salarié, les cotisations s’élèvent à 17,75 % de ses revenus :
COTISATIONS | Salarié | Employeur | total |
Vieillesse | 6,90% | 8,55% | 15,45% |
Déplafonnée | 0,40% | 1,90% | 2,30% |
Total | 17,75% |
Alors que les cotisations représentent seulement 7,30% des revenus d’un artiste-auteur. C’est la part diffuseur/employeur qui diffère :
COTISATIONS | Auteur | Diffuseur | total |
Vieillesse | 6,90% | – | 6,90% |
Déplafonnée | 0,40 % | – | 0,40 % |
Total | 7,30% |
Cela ouvre aux artistes-auteurs les mêmes droits qu’un salarié : pour un revenu équivalent, les semestres sont validés de la même manière.
En effet, depuis la loi du 31 décembre 19751, les artistes-auteurs sont rattachés au régime général de la Sécurité sociale, comme n’importe quel salarié, et ont les mêmes droits aux assurances sociales et aux prestations familiales. Dès le départ, vu que les artistes-auteurs n’ont pas d’employeur, le législateur a remplacé la part patronale sur les cotisations par une contribution diffuseur. Dans la loi d’origine, cette contribution diffuseur devait permettre de financer les dépenses du régime qui ne sont pas couvertes par les cotisations des artistes-auteurs2. De fait aujourd’hui, elle n’a rien à voir en termes de montant, puisqu’elle n’est que de 1,1%.
Une réforme très problématique
Dans un système universel de retraite dans lequel chaque euro cotisé donnera des droits à la retraite identiques, on voit tout de suite le problème : vu la faiblesse de la contribution diffuseur, les artistes-auteurs, à revenus identiques, cotisent beaucoup moins en tout que les salariés.
Le taux unifié retenu comme hypothèse de réforme est de 28%, complémentaire incluse. Le taux de la complémentaire des auteurs, le RAAP, étant aujourd’hui de 8%, cela reviendrait à passer le taux de cotisation de 15,3% (7,3+8%) à 28%. Ce qui provoquerait une hausse de cotisation de près de 13% pour la plupart des auteurs… sans aucune amélioration de leurs pensions de retraite à terme !
Dans le cas des auteurs du livre, qui ne cotisent réellement que 4% au RAAP après participation de la SOFIA ce pourrait donc même être près de 17% de plus de cotisations sociales !
Plusieurs issues sont possibles, toutes problématiques :
- Il faudrait que les auteurs obtiennent une dérogation pour ne pas cotiser plus. Mais si leurs cotisations restent les mêmes, ils perdront donc énormément sur leur retraite. Leur pension de retraite pourrait baisser de plus de la moitié, voire pire !
- Ou bien il faudrait que les auteurs cotisent autant que les salariés juste pour garder les mêmes droits, ce qui reviendrait à se voir prélever l’équivalent de l’importante part patronale sur leurs revenus !
- Ou bien il faudrait, comme le prévoyait la loi à l’origine, que les diffuseurs financent l’équivalent des cotisations patronales. Mais on peut imaginer, s’il y avait une inflation soudaine de leur contribution diffuseur, qu’ils en reporteraient le coût sur les créateurs en baissant d’autant les payements qu’ils leurs font.
- Ou bien il faudrait que les pouvoirs publics mettent en place une compensation à cette hausse pour celui qui la payerait. Mais, en pleine tension budgétaire, il faudra trouver plusieurs centaines de millions d’euros…
- Ou bien, et c’est la solution la moins dangereuse, il faudrait que les pouvoirs maintiennent les principes de la loi de 1975. Les artistes-auteurs continueraient de ne payer que les cotisations salariales et aurait droit aux mêmes points de retraite qu’un salarié à revenu brut équivalent. Et ce malgré l’absence des cotisations patronales et la faiblesse de la cotisation diffuseur censée les remplacer, car c’est une situation dont les artistes-auteurs ne sont nullement responsables.
La retraite complémentaire
À cela s’ajoute la question de l’avenir de la retraite complémentaire des artistes auteurs. L’IRCEC, en charge de celle des auteurs, le RAAP, tire le signal d’alarme. De fait, le calcul des retraites est des plus complexes et la réforme pourrait s’avérer encore pire pour les auteurs qu’on ne l’imagine. Les simulations commandées par l’IRCEC montrent pour beaucoup un effondrement du taux de remplacement, avec ou sans sur-cotisation. Le taux de remplacement montre quelle part de son revenu avant retraite l’auteur gardera après retraite.
Nous ne pouvons que vous recommander de lire en entier le dossier publié par l’IRCEC : reperes227mars2019.pdf
Extinction culturelle ?
Tout ceci est extrêmement inquiétant. Depuis plusieurs années, les organisations d’auteurs tirent la sonnette d’alarme : la situation des auteurs du livre se dégrade en France. Les études se multiplient, montrant qu’entre 41%3 et 53%4 des professionnels gagnent moins que le SMIC et que leurs revenus continuent de baisser, en particulier pour les plus jeunes5. Leurs cotisations sociales ne cessent en parallèle d’augmenter : un auteur gagnant l’équivalent d’un SMIC et demi brut, aura vu celles-ci croître de plus de 7% entre 2004 et 2020, passant de 16,60% à 23,81%6.
Si aucun mécanisme n’est trouvé par les pouvoirs publics pour protéger les artistes-auteurs d’un passage à un système universel dans lequel chaque euro cotisé donnera des droits à la retraite identiques, c’est soit leurs retraites qui vont s’effondrer, soit leurs cotisations sociales qui vont exploser. Aucune de deux situations n’est acceptable.
Le calendrier est court, la réforme semble vouloir être présentée sans tenir compte de la situation très particulière des artistes-auteurs. Les organisations d’auteurs et d’artistes ne peuvent accepter cette situation. Il est urgent que les pouvoirs publics proposent une solution pérenne pour préserver la création en France.
Car si plupart des auteurs et des autrices ne pouvaient bientôt plus vivre de leur création, ce ne serait pas dangereux que pour eux. En effet, le travail des auteurs, comme celui des artistes, sert aussi de laboratoire de recherche et de développement à toutes les industries culturelles, audiovisuelles et ludiques bien plus coûteuses. Ne pas protéger aujourd’hui les auteurs, c’est mettre en péril toute la culture française et menacer l’avenir d’une bonne partie de son économie et de son rayonnement international.
Notes
1Loi n° 75-1348 du 31 décembre 1975 : JO1976-loi-75-1348.pdf
2Loi n° 75-1348 du 31 décembre 1975, article III :
« Le financement des charges incombant aux employeurs au titre des assurances sociales et des prestations familiales est assuré par le versement d’une contribution par toute personne physique ou morale, y compris l’État et les autres collectivités publiques, qui procède, à titre principal ou à titre accessoire, à la diffusion ou à l’exploitation commerciale d’œuvres originales relevant des arts visés par le présent titre.
Cette contribution est calculée selon un barème tenant compte notamment du chiffre d’affaires réalise par ces personnes à raison de la diffusion ou de l’exploitation commerciale des œuvres des auteurs, vivants ou morts, ou de la rémunération versée à l’auteur lorsque l’œuvre n’est pas vendue au public.
Elle est recouvrée comme en matière de sécurité sociale par l’intermédiaire d’organismes agréés par l’autorité administrative qui assument, en matière d’affiliation, les obligations de l’employeur à l’égard de la sécurité sociale.
Conformément aux dispositions du paragraphe VI ci-dessous, cette contribution permet de financer les dépenses du régime qui ne sont pas couvertes par les cotisations des personnes mentionnées à l’article L. 613-1. »
3Seulement 59% des 8000 auteurs du livre affiliés AGESSA gagnent plus d’un SMIC en droits d’auteur.
Ministère de la Culture, Étude sur la situation économique et sociale des auteurs du livre – Résumé DGMIC, 2017.
PDF p. 24
4Seulement 47% des 1500 auteurs de BD à avoir répondu gagnent plus d’un SMIC brut et 36% sont sous le seuil de pauvreté.
États Généraux de la Bande Dessinée, Enquête auteurs 2016 – Résultats statistiques, 2016.
PDF p. 37
5« Les générations les plus récentes ont de moindres perspectives de progression de leur revenu d’auteur que les générations antérieures […] Quelle que soit l’approche, les données indiquent donc une baisse du revenu d’auteur des affiliés du livre sur la période récente »
Ministère de la Culture, Étude sur la situation économique et sociale des auteurs du livre – Résumé DGMIC, 2017.
PDF p. 33-35
6Dans l’hypothèse d’une compensation seulement partielle de la hausse de la CSG, ce serait 8% et 24,81% : hausse_cotisations_2004_2020.pdf